Vers 1990, les auteurs ont ressenti le
besoin d'aller au-delà de leur première oeuvre qui leur avait laissé une impression
d'inachevé. Philippe Cottarel raconte qu'il lui a fallu deux ans pour convaincre
Jean-Michel Philibert (quoi que celui-ci s'en défendrait !) afin que celui-ci
réfléchisse à un nouveau scénario. Le point de départ, cependant, fut clair dès le
départ : le Numéro Six se réveillait au Village souffrant d'amnésie. Au bout d'environ
un an, une premièere ébauche fut produite après de nombreuses réécritures. A partir
de là, le canevas de l'histoire fut développé pour un format de 48 pages, que
Jean-Michel découpa en autant de planches, griffonnant des notes sur des esquisses,
ajoutant des commentaires et procurant une multitude d'explications, de directives très
détaillées, voire de références obscures que Philippe allait porter sur le papier.
Du reste, il
faut aborder "projet pennyfarthing" selon plusieurs degrés de lecture.
On se laisse d'abord envelopper par l'atmosphère envoûtante du Village, par le trait de
Philippe Cottarel, qui a atteint ici une assurance s'étant pleinement exprimée au fur et
à mesure de ses productions pour la revue "le rÔdeur". Dans un second temps,
on revient sur certaines pages pour mieux en apprécier le découpage, ainsi que les
subtilités voulues par le scénariste, Jean-Michel Philibert. L'intrigue est dense,
truffée de clins d'oeils au cinéma notamment.
On découvre de
façon inattendue des références très visuelles. A la page 47, le cercle en forme de
cible est inspiré de la "Roue de la médecine" (medicine wheel), un symbole
indien représentant l'équilibre physique et spirituel de l'Homme. A la page 45, on
reconnaît le Triskell celte symbolisant le mouvement de l'énergie. Dans la série des
petits détails, Jacques Thébault, la voix française de Patrick McGoohan, fait une
petite apparition. Les auteurs n'ont également pas pu résister à la tentation
d'insérer les visages de quelques connaissances ainsi que des références personnelles,
comme cette reproduction d'un tableau de Christian Brantonne, l'artiste qui a réalisé la
couverture de l'album.
Les deux ans
nécessaires à la réalisation de cette bande dessinée ont entraîné un certain nombre
de révisions. Il y a eu des périodes de travail intense, de discussions
quasi-quotidiennes par téléphone. Etant donné que Philippe habitait à l'époque en
Normandie et que Jean-Michel résidait à Saint-Etienne, on peut imaginer que leur note de
téléphone a du crever le plafond ! Il y a eu aussi des périodes plus calmes, pendant
lesquelles Jean-Michel a pu réfléchir à 4 ou 5 fins différentes, puis vérifier chaque
virgule, chaque point de son texte. Certaines planches ont du être refaites trois fois.
Une partie de l'intrigue reposait sur l'utilisation particulière de la couleur. Arto
Djizmedjian s'est attelé à cette rude tâche au rythme de 6 à 7 heures par planche.

Vers 1992,
les auteurs ont rendu visite à une douzaine des principaux éditeurs de bandes dessinées
en France afin de trouver un débouché pour leur oeuvre. Il ne reçurent qu'un seul
rejet. L'accueil fut très positif et projet pennyfarthing très bien perçu. Ce qui a
empêché une publication à grande échelle fut le fait que Le Prisonnier n'était pas
considéré comme un produit "commercialement viable", au contraire de Star Trek
ou Star Wars par exemple. DC Comics qui avaient publié aux Etats-Unis une série de 4
histoires en avaient fait eux aussi l'expérience.
On laissa donc
tomber la couleur, au grand désarroi de l'équipe, alors que le premier tiers de l'album
avait été réalisé. Comme il devenait de plus en plus évident qu'aucun débouché ne
pourrait voir le jour sur le plan national, le rÔdeur offrit de produire l'album et d'en
assurer la promotion auprès du cercle des amateurs français de la série, ce que le
tandem accepta.
On lança donc
une souscription pour les lecteurs du magazine, qui rapporta un franc succès. La maquette
de l'album fut présentée en avant-première lors de la première convention des
fans-clubs de séries-cultes qui s'est tenue dans une célèbre discothèque à Paris en
décembre 1996. Mais la couverture restait à produire. Christian Brantonne, un ami de
longue date des auteurs, professeur d'art plastique originaire de Cherbourg, se mit à
l'ouvrage. Il avait assisté à la gestation de l'oeuvre et avait prodigué une foule de
conseils et d'encouragements. En dépit de son aversion pour la route, il prit sa voiture
un vendredi de février 1997 depuis sa Normandie jusqu'à la banlieue Sud de Paris où
travaillait maintenant Philippe. La couverture fut terminée dans les petites heures du
matin, le samedi. Puis, Philippe descendit ensuite sur Lyon où l'album allait être
envoyé en reprographie.
Encouragés
par le succès d'estime de "projet pennyfarthing" auprès des fans du Prisonnier
(et du rÔdeur) de la première heure, Jean-Michel et Philippe acceptèrent qu'une version
en langue anglaise soit réalisée. Cela serait une bonne occasion, pensions-nous,
d'élargir le lectorat de l'album étant donné que le noyau de Six of One est anglo-saxon
et que le français n'est plus aussi international, contredisant ce que disait la
conductrice de taxi de l'Arrivée... Egalement, cela permettrait de rendre hommage à
plusieurs années de travail, après que la barrière de la langue ait été levée.

Mais ce qui
ressort en fin de compte, c'est l'habileté des auteurs a nous montrer les fêlures de ce
Prisonnier, ses doutes et ses espoirs, sa rage et son courage, ainsi que sa phénoménale
détermination. en un mot, c'est un héros HUMAIN que l'on présente au lecteur et
celui-ci ne peut qu'être sensible a la dimension philosophique et poétique de sa lutte.
Le N°2 me
souffle qu'il faut savourer l'album en dégustant un bon whiskey irlandais. Laissez tomber
la vodka sans alcool !
Plus d'informations et comment
commander depuis la France.
Bonjour chez vous !
Patrick Ducher
Auteur de "l'idiot du village"
(avant, pendant et après le tournage du prisonnier)
Lyon, automne 1997
(C) Centre Documentaire du Prisonnier & Le rÔdeur, 1997